Exorde ex abrupto
Qui est Vices ? Qui est Délices ?
Questions.
Pour délier les langues, les yeux, les mots, pour l’écart du geste,
parce que devant Vices et râlements je retiens mon souffle.
Délices parce que quand je mords dedans je fais pas semblant.
Qui est Vices ?
Qui est Délices ?
Personne n’est lisse
On est tout à la fois.
Qui serre dévisse
Qui perd sévère
Où percent les vices
Profusion frénésie débordement ardeur dureté abandon
regard que plus rien ne retient
complice de voir l’autre partir
de travers, s’inverser, se pâmer à l’envers
dévier, se faire du bien, du mal
m’accepter captive de ce grand “Je” de scènes
Le décor des corps c’est à peu près ça.
Ensuite s’esquissent, sex kiss ces êtres chair
Lentement s’apprêter pour mieux se dévêtir
Remonter les courbes de ces figures de style
C’est leur regard leur lumière leur combat que je laisse monter
Se révéler
L’affronter
Si l’avenir éteint certains,
j’allume dès à présent
laisse le face à face s’installer
appartenir un instant à l’éther-nité
voir ce que la lueur s’accorde à éclairer
s’apprête à souligner
et en substance m’éclipser.
Je ne prétends pas
sonder les âmes – quoique !
les soigner – si un peu. J’apporte un soin particulier.
Quelque part je les invite à se présenter,
à se montrer, à me parler,
parce que vous devez vous rencontrer, vous prendre et vous étreindre,
ne serait-ce que pour faciliter la montée
comme quand le bus est blindé.
Inner Soul
Un travail en temps réel sur les progressions, l’esprit en mouvement, et le parcours vers le point de bascule où s’opère la transfiguration, un travail sur la métamorphose et la révélation de soi. Qui devient-on ? Qui devient-on hors du manège social ? Qui devient-on lorsque tombe le masque ? Je déguise pour révéler, j’habille pour dévoiler. Tirant le fil de l’être, il se dénude imprévisiblement ; extrait des masses, brillant, unique.
Mettre en lumière. Ne plus taire ce qui était caché. Se laisser enfin rayonner.
Il suffit d’une première rencontre. Un être fait son entrée. Ses mots. Ses gestes. Ses silences. Ses regards. Ses fuites. Sa présence. Un trait que je saisis, une invitation. Il y a ce que j’entrevois qu’il ne sait mettre en action, ce qui chez lui reste latent, sous-jacent. il me demande de le faire entrer en scène.
Envie d’ailleurs, désir mutuel.
Quelques échanges plus tard, on crée notre espace, s’ouvre un champ inexploré où le temps est suspendu. Affranchis du poids des apparences, apparaissent les multiples possibilités que l’on porte en soi, être celle-celui qu’il rêvait de devenir, celle-celui qu’il ne pensait jamais pouvoir devenir, ou quitter enfin celle-celui qui lui collait un peu trop à la peau. Ainsi plongé dans le regard de l’autre, il advient à une part inconnue, on explore ce mille-feuille d’images accumulées, empilées, dépareillées ou d’images éculées qui l’encombrent, il avance vers sa mue.
PHOTOGRAPHE, UN MÉTIER À TISSER
On joue avec les possibilités, les assemblages heureux, malheureux, dangereux, sulfureux, on va nouer, faire et défaire, recommencer, choisir un motif, se prendre dans les fils, se relier, s’accorder… en se croisant ainsi la trame apparaît.
Soi à l’ouvrage, soi sur l’ouvrage.
Comme des motifs brodés, ces ramifications qui naissent en chacun de nous sont autant de vaisseaux vecteurs de transformation et porteurs de changements. Les voir se dessiner, se déployer, sont les instants que je photographie.
Passer de l’un à l’autre. Saisir le passage. Comme un bouleversement réciproque, un regard réciproque, un philtre absorbé, ainsi disparaît le sempiternel rapport créateur/modèle. A partir de là, l’émotion nous remplit, nous constitue en bloc.
Ainsi, dansons-nous ensemble et c’est une part de moi que chacune de mes photos réalise : elle est le jaillissement du lien sublime qui peut exister avec l’autre. Nous nous offrons l’un à l’autre permettant une véritable intimité étrangère au voyeurisme brutal.
Plaisir intense du renversement quand le modèle n’est plus faïence figée sous un regard glacé. Beauté des instants de grâce. Plaisir progressif, un cheminement sans rectitude où le « nous » se lie et où chacun resplendit par le passage qui s’opère.